Six pieds sous terre
J'ai jamais encore fait ça - une entrée sur une série TV - et cette série ouvre le bal. Car elle le mérite.
De tout temps, pour moi, il y a toujours eu une fracture entre le cinéma/TV et un bon livre: La profondeur des personnages. Dans un film, on n'a pas la longueur nécessaire pour avoir une intimité avec les personnages - quand ils sont crédibles. Dans les séries TV, les personnages ne sont tout simplement pas crédibles. On a soit des comédies burlesques ou des polars à suspense où les personnages sont des caricatures avec lesquels on a du mal à s'identifier. Ou des soap, mais n'en parlons pas...
Dans un bon roman par contre, on a souvent beaucoup de détails sur la vie des personnages, et le roman est bien plus épais qu'un scénario de film. On a donc le temps de rentrer dedans.
"Six pieds sous terre" est la première série que j'ai vu à apporter ça au petit écran. Les personnages sont bien réels. Ils ont une plastique perfectible, ils crient, ils se mettent en colère sur leurs gosses, ils trompent leurs compagnons, ils se droguent, ils acceptent mal leur homosexualité, ils se font des films, la liste est longue. Et on voit tout ça à l'écran. Bref, ils ont de nombreux défauts. Ils en ont tellement en fait qu'on s'y retrouve forcément. On a même l'impression de se voir de temps en temps car on a tous certains de ces défauts. Ça fait presque peur. Et préparez les mouchoirs, tous les épisodes ne sont pas drôles.
Et puis on voit tous les détails de la vie des protagonistes. Ils baisent, alors on le voit. Ils rêvent, ils dorment, ils se rasent, s'habillent, conduisent, etc. On voit tout ça. Il n'y a guère qu'aux toilettes qu'on ne les voit pas trop. Les gens meurent aussi. Pas les protagonistes principaux mais on voit beaucoup de morts.
Par contre, on retrouve un puritanisme bien américain, et on voit très rarement un nichon ou une paire de fesses. Et jamais des protagonistes principaux.
Alors après la description que je viens d'en faire, n'allez pas croire que c'est comme ça à tous les épisodes. Non, tout les défauts, les erreurs, les joies aussi se découvrent au fil des cinq saisons tout doucement. Cela nous permet de rentrer en douceur dans la famille Fisher. En douceur et en profondeur. On ne s'en aperçoit même pas.
L'addiction qu'on développe pour la série n'a rien à voir avec une autre série. On se sent vraiment faire partie de la famille, et regarder l'épisode suivant est rarement dû au suspense, mais presque à une routine, comme on rentre du boulot le soir et on va retrouver sa famille. On rentre à la maison. Dans Six pieds sous terre il n'y a pas tout le temps de suspense, mais on se sent proche des personnages donc on a naturellement envie de voir la suite.
Regarder les épisodes est même un peu dérangeant. On se retrouve à avoir honte pour Claire, de la peine pour Keith, de l'incompréhension pour Ruth et de la colère pour Nate. Et ça tourne au fur et à mesure qu'ils avancent dans leur vie. Et n'allez pas croire qu'il n'y a pas de moments heureux, il y en a bien sûr. C'est juste que c'est équilibré contrairement à toutes les autres séries que j'ai vu avant.
L'histoire? Remarquez que je n'en ai tout simplement pas encore parlé. Elle est secondaire, mais elle a un rôle elle aussi. C'est l'histoire de la famille Fisher. Le père meurt lors du premier épisode, ce qui réunit la famille dans la maison familiale. La mère - Ruth -, les deux fils David et Nate et la fille Claire. Ils font tourner un business de pompes funèbres indépendant. Des morts à tous les épisodes donc.
Tout cela dure des fois gaiement, des fois tristement, des fois de façon dérangeante pendant 5 saisons. Et puis viennent les quatre derniers épisodes.
Vous pouvez continuer à lire même si vous n'avez pas vu la série, je ne dévoile rien là dedans de l'histoire.
Alors pour les quatre derniers épisodes, préparez votre mouchoir. Et pour le dernier préparez directement plusieurs paquets. J'en ai les larmes aux yeux en écrivant, pourtant ça fait deux jours que j'ai fini la série. On devient bipolaires en fait en suivant le déroulement des derniers épisodes, heureux quand un problème se dénoue, et tristes quand un se crée ou s'aggrave. Et on pleure de joie une minute, de peine une autre. La puissance des émotions que l'on ressent dans les dernier épisode est quelque chose que je n'avait jamais découvert sur un écran. Et extrêmement rarement dans un livre.
C'est là qu'on se rend vraiment compte qu'on est rentré en profondeur dans les personnages, qu'ils sont complètement et totalement crédibles, et qu'on a le sentiment de faire partie intégrante de la famille Fisher. Cette fin n'enfonce pas le clou, elle le remue, et on prend conscience que le clou était déjà enfoncé jusqu'au bout.
L'un dans l'autre, j'aurai eu beaucoup de plaisir à suivre cette série. Énormément. Je suis même à peu près persuadé que je la re-regarderai un jour. J'en ai déjà envie en fait, mais il est un peu trop tôt. La seule autre série TV qui m'ai donné envie de regarder la totalité encore une fois est Friends, qui est à l'exact opposé de Six pieds sous terre: Léger, superficiel et drôle. Mais si je pense que je regarderai tout Friends une nouvelle fois, je suis certain que je re regarderai Six pieds sous terre.
Mais plus que du plaisir, cette série m'a donné de la perspective. Elle aura eu un impact sur la manière dont je regarde les autres. Des étrangers qui passent dans la rue jusqu'à la femme qui partage ma vie et mes enfants. La vie est courte, on ne sait pas de quoi demain sera fait. Cela n'empêche en aucune manière de prévoir et d'anticiper, mais cela donne envie de forcer un peu sur nos côtés positifs, de dire les mots qui font plaisir, de profiter du moment présent.
Six pieds sous terre. En voilà une que je n'oublierai jamais. Merci Alan Ball. J'ai juste envie de crier "Encore!". Car ce qu'il me reste c'est un énorme vide, comme si je n'avais pas pu dire adieu à un ami très cher.
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